Plusieurs experts des projets de #transformation axés sur la #Data ont témoigné lors d'un webinaire organisé par le cabinet Balthazar, du démarrage d'un programme Data aux méthodes pour créer de la valeur, ils partagent les clefs de succès issues de leurs expériences.
Lors d'un webinaire organisé par le cabinet de conseil en #management Balthazar le 9 décembre 2020, intitulé « Libérer le potentiel de la Data, une question de management ? », trois experts des programmes de transformation basés sur la donnée ont partagé leur expérience. Stéphane Deux, Directeur IT, Digital et Data de l'opérateur privé de transports publics #Transdev Group, était aux côtés d'Éric Alix, actuellement Président de #RATP Smart System et de #Mappy, qui auparavant a notamment été Chief Data Officer (CDO) du groupe #LaPoste. Alexandre Gaillouste, consultant data & mobilité chez Balthazar, qui a précédemment travaillé sur la transformation des métiers de la vente chez #Orange, complétait le panel d'experts.
1. Chercher des alliés
Patrick Ottavi, co-fondateur de Balthazar, a lancé le débat en interrogeant les intervenants sur la mise en place d'un programme Data, visant à structurer et piloter les différentes initiatives autour des données. « Quand on démarre une trajectoire Data, on est souvent seul, avec ses convictions », observe Stéphane Deux. « Mais dans les faits, il y a toujours des projets qui ont été réalisés, des solutions en place, des Proofs of Concept (PoC). » Pour diverses raisons, ces projets n'ont pas atteint le stade de l'industrialisation. « Tactiquement, il faut éviter de se faire des ennemis de ceux qui ont déjà réalisé des choses », conseille Stéphane Deux. « Au contraire, il est essentiel de construire de bonnes relations et de convaincre de la légitimité de l'approche. » Chez Transdev, la première étape a été de convaincre un service dans un pays représentatif de l'intérêt de la méthode envisagée. « Ils avaient pour objectif de livrer des tableaux de bord avec une échéance très courte. Nous leur avons proposé une approche donnant-donnant : nous les aidions à mener leur projet à bien, et en contrepartie, ils nous aidaient ensuite à transposer ce qui avait été fait selon cette méthode. »
2. Commencer petit, structurer progressivement
« Pour faire une transformation, il faut une offre et une demande, et qu'elles se rencontrent », affirme de son côté Éric Alix. D'un côté, il y a donc les métiers, avec des projets possédant une composante Data. De l'autre, il faut des savoir-faire, en IT, en Data Science, en accompagnement. « Tout le monde se demande comment son métier va être transformé par la Data. Il faut rassurer et avoir une perspective, en montrant que les données augmentent les capacités des utilisateurs à accomplir leurs missions. » Éric Alix souligne aussi la nécessité de donner un cadre préalable à l'action avant de démarrer. « À La Poste, nous avons décidé de mettre en place une charte Data. Celle-ci s'est révélé un très bel atout ensuite pour engager tous les postiers dans la transformation. » Pour lui, le rôle de CDO a deux facettes : une, plutôt régalienne, en lien avec les sujets de conformité des données, et une autre, plus proche d'un facilitateur. « La charte relève plutôt du côté régalien, il faut des exigences qui s'imposent à tout le monde. »
Mais cette conformité, c'est aussi un moyen de faire de l'accompagnement au changement », observe-t-il. Selon Éric Alix, tout se joue souvent dans la première année. « Au début, on commence petit, en structurant les choses : il s'agit de définir un cadre de gouvernance, un cadre sur les plateformes qui vont agréger les données. Il faut aussi entrer en contact avec les différents métiers et parties prenantes, monter les équipes, obtenir les budgets. » Enfin, il faut également construire les capacités : usines, plateformes, centres de compétences, partenariats, etc. C'est seulement une fois ces fondamentaux en place que le CDO et son équipe peuvent enclencher le lancement d'une offre de services. « À La Poste, c'est à ce moment-là que la communauté Data s'est créée, à partir d'un séminaire de 3 jours qui a réuni plus de 200 personnes. »
3. Penser la dimension managériale de la Data
Le débat s'est ensuite poursuivi en abordant la dimension managériale des programmes Data. Alexandre Gaillouste a tout d'abord rappelé que quand on parle de Data, on parle aussi d'information. « Cela pose nécessairement la question de la circulation de l'information et de son usage par le management. Quand la donnée est disponible, elle peut représenter un vrai levier managérial, qu'il faut penser en termes de règles », souligne-t-il. Selon lui, une des implications de la culture de la donnée, c'est l'aplatissement des hiérarchies. « Dans un point de vente par exemple, si chacun peut accéder en temps réel à ses données de performance commerciale, cela questionne le métier des managers, des vendeurs. Certains peuvent s'auto-challenger, valoriser leur performance, tandis que d'autres au contraire peuvent avoir peur. La sincérité de la donnée est importante dans un tel contexte. » Face à ces enjeux, jusqu'où partager la donnée, et comment décider collectivement de la donnée à partager ? Alexandre Gaillouste insiste sur le rôle du manager, qui doit comprendre la donnée et lui donner du sens, relier les points pour éviter à ses collaborateurs de se retrouver noyés sous les données.
4. Responsabiliser les utilisateurs
Alexandre Gaillouste pointe aussi la dualité inhérente à toute transformation. « Une transformation est comme un aimant, avec un pôle négatif et un pôle positif. Le négatif, c'est les craintes que peuvent avoir les utilisateurs, qu'il faut prendre le temps d'adresser. Le positif, c'est que chacun peut devenir chercheur d'or, c'est un levier d'autonomie et de responsabilisation. Faire en sorte que les collaborateurs s'approprient la transformation est aussi important que l'aspect technologique. » Eric Alix évoque de son côté la nécessité de désiloter la donnée et d'organiser sa circulation. « Certains la créent, d'autres, souvent différents, la consomment, mais chacun à son niveau a des devoirs. Il faut trouver des intérêts communs. » Pour lui, les meilleurs alliés des CDO sont les fonctions transverses : Finance, stratégie, RH... « Il y a aussi des logiques de pouvoir derrière les données », rappelle-t-il.
Pour pouvoir gérer et développer le capital Data, il faut donc un cadre qui clarifie le fonctionnement du programme et instaure de la confiance. « La finalité des programmes Data, c'est aussi de rendre le pouvoir aux métiers sur leurs données, en la rendant accessible. Les professionnels de la donnée se concentrent sur la valeur ajoutée qu'ils peuvent apporter, afin que les opérationnels aient des réponses », pointe Éric Alix. Une optique partagée par Stéphane Deux. « Nous partons du principe que le programme Data est un programme de management, de responsabilisation, visant à rendre les métiers le moins dépendants possible des services qui produisent les analyses. Chez Transdev, nous avons pris le réflexe de considérer l'ensemble de nos collaborateurs, dont 55000 conducteurs, comme des acteurs digitaux, des 'smart employees' capables de prendre les bonnes décisions à leur niveau grâce aux outils mis à leur disposition. Les services plus spécialisés se concentrent quant à eux sur les sujets plus complexes, nécessitant par exemple du data mining. »
5. Partir du cas d'usage
À l'échelle de l'entreprise, l'enjeu des programmes Data est de créer de la valeur. Pour y parvenir, Stéphane Deux a établi une méthode simple, mais appliquée de façon systématique à tous les projets Data. Pour lui, il faut partir du cas d'usage, jamais de la technologie, en se demandant pourquoi on souhaite exploiter la donnée. « Nous nous focalisons sur la création de valeur immédiate pour le cas d'usage concerné. Et le spectre est large : cela peut aller de la fourniture d'indicateurs pour aider un utilisateur à savoir s'il performe dans ses tâches jusqu'à la génération de prévisions de fréquentation sur un réseau de transports. » Sur ce dernier exemple, Stéphane Deux confie d'ailleurs que cela s'est révélé un challenge dans le contexte du Covid-19, « car il existait très peu de données permettant d'évaluer l'impact d'une pandémie sur les transports, sauf en Asie. » Après le pourquoi, il faut se pencher sur le quoi, les critères qui caractérisent le succès. « Il peut s'agir de critères financiers, qualitatifs, d'un engagement des collaborateurs... », illustre Stéphane Deux.
6. Clarifier les rôles
Ensuite, reste à déterminer qui peut le mieux endosser la responsabilité pour atteindre cette valeur, en cherchant à identifier le personae au cœur du cas d'usage. Dans l'idéal, il faut un deuxième rôle en complément de ce personae, estime Stéphane Deux : celui de superviseur, qui s'assure que la gouvernance mise en place est bien réelle, que les actions managériales nécessaires sont mises en œuvre. « Souvent, ces deux rôles sont confondus, ce qui n'est pas forcément le plus efficace. Nous avons eu par exemple le cas d'un projet demandé par le Comex. En faisant cet exercice d'analyse, nous avons vu que si la demande était légitime, ce n'était pas le Comex qui allait suivre au quotidien les indicateurs souhaités. Nous avons donc créé des tableaux de bord destinés aux managers opérationnels, avec le Comex dans un rôle de supervision. » C'est seulement après avoir répondu à ces différentes questions que la constriction du produit Data peut démarrer, en cherchant à livrer des indicateurs mesurables et significatifs pour le personae.
7. Identifier rapidement les impasses
Il arrive parfois que certains projets qui semblaient prometteurs peinent à se concrétiser. Pour Éric Alix, ces cas sont souvent détectés rapidement, et s'expliquent par deux grands facteurs. « Le premier filtre, c'est l'accessibilité de la donnée, ou bien l'absence de signal dans les données disponibles. Un petit PoC suffit en général pour savoir si les données présentes peuvent permettre ou pas de répondre à la question posée. Mais le plus souvent, les freins préviennent d'un manque de maturité, le projet percutant certaines logiques en place. Dans ce cas, le projet peut simplement être mis en attente, et se concrétiser un ou deux ans plus tard. »
8. La confiance, un facteur clef
Quand la création de valeur est enclenchée, comment faire en sorte d'accélérer et de la diffuser à l'échelle de l'organisation ? Pour Alexandre Gaillouste, « la notion de confiance est importante. Le fonctionnement et la valeur des approches Data sont très semblables aux principes de l'économie de la connaissance : la valeur s'accroît avec le partage, elle réside dans la circulation de la donnée, pas dans sa possession. Il faut donc de la confiance entre les acteurs afin que la donnée circule. » Rebondissant sur ces propos, Éric Alix souligne qu'il faut cette même confiance quand on s'adresse aux consommateurs. « Plus on capte de la donnée, plus on doit se demander en contrepartie quel service on rend. À cela s'ajoute toute la dimension de protection, avec les aspects réglementaires et de cybersécurité, mais aussi des enjeux comme l'Open Data. Il faut prévoir toute cette chaîne pour instaurer la confiance, qui s'acquiert très lentement, mais se perd très vite. »
9. Embarquer l'ensemble de l'entreprise
« Pour avoir de l'impact, il faut pouvoir concilier des actions bottom-up et top-down. Les idées proviennent de plein d'endroits différents, il faut les canaliser et il faut également tenir compte des initiatives stratégiques, en discutant avec le Comex et les sponsors métiers de comment nous pouvons les aider à atteindre leurs objectifs », conseille Éric Alix. Stéphane Deux insiste lui aussi sur l'alignement de la stratégie Data avec celle de l'entreprise. « Il faut cibler non pas ce qu'on aurait envie de faire, mais aller chercher les opportunités dans ce qui compte pour l'entreprise. » Pour lui, il faut également veiller à ce que ce soient les métiers qui tirent le mérite de ces initiatives, pas l'équipe Data. « Ce sont eux qui seront ambassadeurs en interne, c'est ainsi qu'on accélère le déploiement. » Il revient enfin sur ce qu'il considère comme le plus gros défi, le passage à l'échelle. « Le rôle d'une structure Data n'est pas de faire des PoC pour un public restreint et localisé. Il faut embarquer toute l'entreprise, avec une méthode qui se déploie dans toutes les fonctions. » Selon lui, le plus compliqué pour passer à l'échelle, c'est d'aborder la dimension managériale. « Produire des dashboards à large échelle, au niveau technique c'est faisable, mais si ceux-ci ne sont pas lus et interprétés, ils ne créent pas de valeur. C'est en ce sens que l'acte managérial compte. »
10. Trouver un équilibre entre les différentes catégories de projets
Enfin, Stéphane Deux invite à distinguer les différents types de produits Data. « Certains sont destinés à un usage massif, ils créent une valeur limitée à l'échelle individuelle, mais qui est démultipliée au niveau de l'entreprise. À l'opposé, on trouve des produits plus analytiques, qui s'adressent à une population plus restreinte, mais ont une valeur unitaire plus forte. Il faut s'attaquer aux deux tableaux. Si vous travaillez uniquement sur la création de valeur en permanence, vous allez vous fatiguer. En interne, le buzz se fait toujours sur les paillettes : l'IA, le Machine Learning. En réalité, il faut travailler sur l'ensemble du prisme. » Eric Alix distingue quant à lui deux grandes catégories d'actions dans un programme Data, parmi lesquelles il faut faire des choix, notamment au démarrage. « Pour les projets autour des données, on peut choisir d'être plutôt offensif, en allant sur des projets comme l'IA ou le Big Data, ou plutôt défensif, en travaillant sur la gouvernance de la donnée. Il y a un équilibre à trouver. »
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